Un sale hiver, Sam Millar



Après avoir lu Rouge est le sang (du même auteur), je me suis attaqué à un sale hiver. Troisième épisode de la série de Karl Kane (après Les chiens de Belfast et Le Cannibale de Crumlin Road) L’histoire commence avec une main tranchée découverte sur le perron de sa porte par notre bon héros. Comme ça, de bon matin. Forcément, ça lui fait un choc, à ce bon Kane. Et à moi aussi. Pris entre les tirs croisés de différents projets, j’ai laissé de côté le bouquin pour finalement le reprendre hier… et le terminer ce matin. Et vous savez quoi ? J’ai continué pendant ce mois et demi à penser à cette main. Je suppose que c’est à ça qu’on reconnaît un bon incipit…

MAIS QUEL EST LE PITCH, ABRUTI ?

On se calme, bordel ! Kane est un privé à l’ancienne. Du genre à préférer sortir une vanne cinglante plutôt qu’à accepter l’ordre des choses et à courber l’échine. Il sait aussi être méchant quand il le faut, et c’est à Belfast qu’il bosse. Oui, la Belfast des Troubles, et celle où, comme le découvre Kane page « « , les touristes portent des t-shirts avec Donald Duck en pare-balles s’écriant « Me tirez pas dessus, je suis qu’un touriste, coin-coin ». Forcément, l’atmosphère n’est pas exactement joyeuse. Maintenant qu’on découvre des mains sectionnées dans la ville, ça ne s’arrange pas. Voilà qu’une forte récompense est mise sur la table pour que l’on fasse la lumière sur cette sordide affaire. Il ne manquait plus qu’une  beauté fatale (il en faut toujours une !) demande à un Kane attendri de retrouver trace de son oncle…

A TATONS DANS LE NOIR

Kane explore les bas-fonds du Nord comme un spéléologue explorerait les recoins de la psyché humaine. A l’instar de Rouge est le sang, le roman est peuplé de créatures défigurées, trop maquillées, trop abîmées, trop dévastées par la vie. A tâtons dans le noir, Kane progresse pourtant dans ses investigations. Mais le secret qu’il exhume peu à peu pourrait bien lui coûter cher.
L’écriture est toujours aussi chouette. Pour les amateurs de Chandler, Goodis et autres Thompson, c’est un régal. C’est rapide, drôle et percutant. Je me suis surpris à rire (et à me foutre la honte) à plusieurs reprises dans les cafés où j’étais. Stern résume ça en « sarcastique, sexy, dramatique et original ».  J’ai trouvé les descriptions plus riches que dans ses autres parutions, sans pour autant s’alourdir. Attention, toutefois, aux nouveaux lecteurs : il vaut mieux avoir lu les deux précédents volumes pour bien savourer l’intrigue.
Un des fondements de l’écriture de Sam Millar (en général et dans le présent roman), c’est la palette de gris  qu’il utilise. Kane le lui-même, il « comprend l’obscurité du gris ». Ici, rien n’est blanc ou noir. En fait, ce monde a toutes les apparences d’un abattoir géant…
Mais finalement, c’est la profonde humanité du personnage de Karl Kane qui m’a le plus frappé. Au-delà de ses vannes, de la violence parfois gore qui l’entoure et qu’il utilise parfois, c’est bien cette humanité que j’ai le plus retenue. Que ce soit dans ses rapports avec sa compagne ou avec les malheureux êtres desséchés qu’il rencontre, Kane exsude une bonté rare, un peu naïve mais qui vient apporter un contraste salvateur dans cette peinture autrement horrifique. 

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