Liz, une micro-nouvelle

En vrai j'écris des trucs rigolos. Il paraît.




C’était une araignée prise dans sa propre toile... il y avait cependant quelque chose de beau dans ce visage las et momifié par le chagrin. Il lui prit la main.
- C’est moi, lui dit-il. En dépit de mornes pensées, il était heureux de la revoir. Elle lui avait manqué. 

Elle ne répondit rien, se contenta de lui tourner le dos.
- Liz… je suis là, souffla-t-il en serrant doucement sa main.

Toujours pas de réponse.

- Je suis désolé d’avoir tardé, j’aurais peut-être dû revenir plus tôt.
Elle se retourna finalement. Elle ne portait pas de haut. Sa poitrine était encore altière, mais il ne ressentit aucun désir pour ce corps bientôt décomposé.
- Tu ne m’aimes plus, lui dit-elle en haussant les épaules. Elle le défia du regard, aussi froid et implacable qu’un couperet.
- Ça fait longtemps que tu ne m’aimes plus, de toute façon. Je me demande même si tu m’as aimée un jour, quand j’étais encore belle.
- Ne dis pas ça…
- Pourquoi pas ? Ce n’est pas vrai, peut-être ? Si tu m’avais aimée, tu m’aurais fait un enfant. J’aurais laissé quelque chose d’autre sur terre qu’un peu de cendres.

Un enfant. Ismaël n’en avait jamais voulu, sans pouvoir l’expliquer clairement. Cela lui avait paru trop de responsabilité, et surtout trop de peine pour l’enfant. Aussi ne répondit-il rien : il était déjà vaincu.

- J’ai raison, n’est-ce-pas ? Je vais crever et toi, tu vas vivre. Tu pleureras un an ou deux, puis tu te dégoteras une petite minette ; elle aura la taille fine comme tu les aimes, elle te fera jouir et elle t’emmerdera pas avec la maladie ou les enfants, du moins pas avant quinze bonnes putain d’années.
Elle n’avait pas toujours été si amère. C’était assez récent, et le changement n’en avait été que plus brutal. Au début, il avait été horrifié. A présent, il ne ressentait qu’un désespoir muet et avare en larmes qu’elle méprenait pour du désintérêt.

- Ne dis pas des horreurs pareilles…
- C’est pourtant ce qui va se passer, non ? Tu me dégoûtes, tu m’entends ? Tu me dé-goûtes. Si tu m’aimais un peu, tu partirais avec moi.
- Partir avec toi ?
- C’est ce que ferait n’importe quelle personne un tant soit peu amoureuse. C’est ce que j’aurais fait pour toi.

Il hocha la tête. Oui. Il était sûr qu'elle l'aurait fait.

- Je comprends.

Elle pleura en silence quelques longues minutes. Finalement, elle releva le visage vers lui, et il y découvrit un peu de la Liz qu’il avait naguère aimée.

- Oh, mon Shah, je suis désolée… les horreurs que je profère… tu devrais me gifler quand je dis tout ça… tu ne réagis jamais, alors je continue… tu es bête… viens, viens ici…
Il lui sourit et se coucha auprès d’elle, la serrant contre lui. Elle était glacée. Il caressa ses doigts osseux, ses bras décharnés, ses joues creuses.
- Je t’aime.
- Je t’aime, mon Shah d’Iran... Ismaël... tu es toujours aussi beau, toi, dis-donc.
- Tu es toujours aussi belle.  Il mentait. Elle parut néanmoins flattée.
-  Tu trouves...?
-  Oui.
-  Fais-moi l’amour, alors, s’il te plaît... je crois que j’en ai besoin plus que tout au monde.  Sa main glacée défit sa ceinture. Dieu que ce bras était maigre et livide. Le sang l’avait fui, et avec le sang, la vie. C’était un bras de sorcière, aux mains décharnées, aux phalanges osseuses. Il déglutit avec peine.
-  Tu... tu n’as pas envie...? Oh, s’il te plaît...
-  Non, coupa-t-il. « Je ne me sens pas très bien . Encore un mensonge. Il s’en sentait physiquement incapable. Son corps le révulsait. Elle sembla comprendre.
- Je te dégoûte, hein ? Ce serait comme baiser un cadavre, je parie. Tu es vraiment un
sale égoïste... je n’en reviens pas... (elle partit d’un long rire maladif). Il ne veut pas
baiser sa femme chérie. Mais il sauterait la première venue, bien sûr. Espèce de salaud.
- Je... je n’y arrive pas, Liz. Je n’ai pas... le cœur à ça, pas maintenant...
- Menteur. Je ne te fais pas envie, c’est tout.
- Ne sois pas...
- Vulgaire ? C’est ce que tu allais dire, hein ? T’es vraiment cinglé. Je vais crever et toi, tu me reproches d’être vulgaire… oh va-t’en… s’il te plaît… ta présence ne fait qu’empirer les choses… va-t’en, Ismaël, laisse-moi crever…

Mais pour lui, elle était déjà morte.



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